Le traitement antirétroviral (TARV) au prisme du silence sur le statut séropositif chez les PvVih en Côte d'Ivoire : études de cas
Gbété Jean Martin Irigo  1, 2, *@  , Aimé César Maxime Oga  1@  , Mathieu Hermann Coulibaly  2, *@  
1 : Laboratoire Populations et Développement  (LaPoDev)
2 : Université Peleforo Gon Coulibaly  -  Site web
* : Auteur correspondant

Contexte et objet de l'étude.Le partage de l'information sur la séropositivité avec l'entourage du malade (conjoint-e-, enfants, parents, ami –e-) est une disposition perçue comme majeure puisqu'elle pourrait permettre de ralentir la chaine de transmission par la protection de l'entourage de la Personne Vivant avec le VIH (PvVIH).Cependant malgré sa forte médiatisation en Côte d'Ivoire, cette disposition semble faire peu écho au regard des nouvelles contaminations et de la dissimulation du Traitement Antirétroviral (TARV) aux proches par certains malades. Comment taire le statut séropositif et alternativement suivre le TARV, telle est le problème auquel doivent faire face les PvVih. L'objet de cette contribution est de montrer les contraintes sociales liées au silence sur le statut séropositif lorsque le malade doit suivre le TARV. Comment se trouve concrètement affecté le suivi du TARV ? Qu'en est-il du lien social ? Quelles sont les difficultés liées à la prise en charge ?

Méthodologie. L'étude repose sur une enquête qualitative réalisée en Côte d'Ivoire en 2016 dans les centres de prise en charge du CePReF, du CIRBA, du CMSDS, du CHR de San- Pedro et des centres SAS de Bouaké et de Korhogo et a porté sur un échantillon de 90 PvVIH dont elle devait documenter les pratiques de soin. Dans cet échantillon, des enquêtes complémentaires ont été réalisées auprès de 10 cas n'ayant pas partagé le statut séropositif avec leur entourage. Les présents résultats portent sur le suivi du TARV chez ces individus et les contraintes sociales induites.

Quelques résultats. Le TARV en tant qu'espace social de « care » et de « cure » apparaît perturbé par le silence à l'entourage sur la séropositivité. Ne pas partager l'information sur le statut induit chez les PvVih le développement de stratégies telles que des prises médicamenteuses discrètes, le non-respect de certaines posologies, des sorties inopinées pour les RDV médicaux sur fond de crainte de mettre la relation de couple en péril, le refus de se faire accompagner au dispensaire et les conciliabules avec le conseiller psychosocial parfois en contact avec certains proches, les difficultés d'user du préservatif avec le conjoint (e) non encore informé. Tout ceci conduit à un affaiblissement des liens sociaux des malades. Perçu comme protecteur pour les proches, le silence semble instrumentalisé pour maintenir le lien social puisque divulguer cette information, si lourde de sens, reviendrait à être acteur de son propre rejet par le corps social. Le silence apparait ainsi comme un facteur de sauvegarde des liens sociaux chez les PvVIH.

Références bibliographiques

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Notices biographiques

IRIGO Gbété Jean Martin, Thèse unique de Doctorat (Université Alassane Ouattara (UAO) de Bouaké en 2012. Depuis 2014, Enseignant-Chercheur, Maitre-assistant (Université Peleforo Gon Coulibly, Côte d'Ivoire), Laboratoire Populations et Développement (LaPoDev- CRD-UAO). Sociologue de la santé, plusieurs publications dans différents champs (Santé de la reproduction, Santé et l'alimentation en Côte d'Ivoire, plusieurs articles (sous-presse) sur le VIH. Dernière communication orale à l'Université de Strasbourg sur le sujet « la discrétion autour du Traitement Antiretroviral en Côte d'Ivoire : de la peur de la divulgation de la séropositivité à une protection risquée de la maisonnée. Adresses : irigomartin@upgc.edu.ci / irigomartin@yahoo.fr

OGA Aimé César Maxime, Socio-Anthropologue, PhD sur le sujet : « Stratégies de prévention du VIH par le dépistage précoce des enfants de 6 à 26 semaines dans les formations sanitaires en Côte d'Ivoire : Les exemples des enfants d'Abidjan et de Bonoua » à l'Université Alassane Ouattara en 2016. Plusieurs publications et communications sur le VIH dont : « Attribution des Noms Et pratiques en Santé Materno-Infantile : Approche Socio- Anthropologique des enfants sacrés en pays Abouré et Baoulé de Côte d'Ivoire » ; « Acceptabilité du test VIH proposé aux nourrissons dans les services pédiatriques, en Côte d'Ivoire, Significations pour la couverture du diagnostic pédiatrique » ; Colloque "Soins de santé à domicile : entre solidarités privées et solidarités publiques ?", Université de Strasbourg les 12 et 13 avril 2018'' ; Colloque international « Sciences Sociales et VIH/SIDA en Afrique Subsaharienne » Abidjan, 12 au 14 décembre 2016 à l'Université Félix Houphouët Boigny. Adresse email : maxerur@gmail.com / maxerur@yahoo.fr / maxime.oga@pacci.ci

COULIBALY Mathieu Hermann, Titulaire d'un Doctorat en Sociologie, Mathieu Coulibaly est enseignant chercheur à l'Université Peleforo Gon Coulibaly de Korhogo et a publié :
Coulibaly, M. H., Kouadio, K. M. D. (2015), « L'incertitude, ressource de l'action face aux interdits alimentaires liés aux grossesses chez les Ébrié de Côte d'Ivoire », Lettres D'Ivoire, Sciences Humaines, n°21, pp. 121-127.
Coulibaly, M. H., Gbete, I. J-M. (2015), « La régulation des interdits alimentaires liés à la grossesse et ses implications pour la santé des femmes ébrié (Côte d'Ivoire) », Geste et Voix, n° 22, pp. 275-299.
Coulibaly, M. H. (2017), « L'impact des normes alimentaires traditionnelles sur les conseils nutritionnels chez les gestantes ébriéakouai de Côte d'Ivoire », EuropeanScientific Journal, vol.13, n°5, pp.481-493. coolhermath@yahoo.fr /mathieucoulibaly@upgc.edu.ci



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